samedi 29 novembre 2008

Les armoires vides, de Annie Ernaux

Edition : Gallimard - Collection : Folio

Date : 1974

Nombres de pages : 182 p



Ce que j'en pense...



Les armoires vides est un livre que j'ai véritablement aimé. Certes, le style peut être difficile de prime abord mais, plus le récit avance, plus le style haché, saccadé, empreint d'oralisation, devient nécessaire pour décrire les sentiments âpres de Denise Lesur à l'égard de son milieu social.


Fille de cafétier et d'épicier, Denise est une enfant heureuse pendant ses premières années d'existence où elle passe le plus clair de son temps au café ou à l'épicicerie. Puis, vient le temps où elle doit aller à l'école, la libre pas la communale. Et là, c'est le choc des cultures : Denise comprend qu'il y a un espace, enfin plutôt un gouffre entre son éducation et celle que l'école lui inculque ou celle qu'elle peut observer chez ses nouvelles camarades. Au début, elle jongle très bien entre ces deux milieux, se sentant plus à l'aise dans le monde du bistrot, parmis sa faune si particulière. Puis, les années passant, elle en vient à execrer tout ce qui a lien, de près ou de loin, à cette sphère populaire où tout est sale, excessif et peu conforme au bon goût.

C'est pourquoi Les armoires vides est un roman sur la souffrance qu'engendre la jalousie, la honte et les humiliations de ne pas faire partir de ce monde des « gens distingués ». Comment accepter encore d'évoluer dans un monde, à l'aspect peu ragoûtant, quand on a goûté aux joies des activités intellectuelles, au plaisir d'être en compagnie de personnes cultivées et distinguées...

« J'ai été coupée en deux, c'est ça, mes parents, ma famille d'ouvriers agricoles, de manoeuvres, et l'école, les bouquins, les Bornins. Le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c'est trop tard. « On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études ! » qu'il a dit un jour. Moi aussi peut-être.»

C'est une oeuvre que l'on peut trouver excessive – comment peut-on à ce point détester ces parents ? - mais, à bien des égards, elle interroge, elle dérange, elle trouve un écho ou pas dans nos pensées les plus profondes. N'est-ce pas cela la littérature ?


Une oeuvre sans concession qui m'a beaucoup parlée.

« La maîtresse parle lentement en mots très longs, elle ne cherche jamais à se presser, elle aime causer, et pas comme ma mère. « Suspendez votre vêtement à la patère ! ». Ma mère, elle hurle quand je reviens de jouer « fous pas ton paletot en boulichon, qui c'est qui le rangera ? Tes chaussette en carcaillot ! »